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[Critique Blu-ray] Taking Off (1971)

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Fut un temps où l’immense réalisateur des non moins immenses Amadeus et Vol au-dessus d’un nid de coucou était le chef de file de la nouvelle vague du cinéma tchèque. Il était parmi les cinéastes les plus en vue au monde, les plus gros producteurs italiens et américains se l’arrachaient, et c’est vers les USA qu’il a finalement hissé les voiles. Et le résultat se nomme Taking Off, film étrange autant dans le paysage cinématographique de l’époque que dans la filmographie de Milos Forman. Un film reparti du festival de Cannes avec le prix spécial du jury, généralement signe d’oeuvre à part. Taking Off démarre tel une chronique du mouvement hippie à travers des extraits d’auditions avant de bifurquer vers une réflexion sur le rôle des parents vis-à-vis de ce mouvement et sur les adolescents fugueurs, avant de revenir en puissance sur l’illustration cruelle d’une vie d’ennui. Un drôle de film qui mérite à être connu, pour tant de raisons thématiques et historiques, tout autant que pour l’incroyable épopée qu’a constitué sa construction, sans cesse perturbée par les révolutions de l’époque. Taking Off en devient une sorte de témoignage hors du temps assez perturbant et complètement fou.

Taking Off 1 [Critique Blu ray] Taking Off (1971)

Taking Off se pose en parallèle intéressant à Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni, pour le regard que des artistes européens portent sur le mouvement libertaire du flower power. Là où l’italien proposait un fascinant exercice de style extrême, Milos Forman joue la fausse satire politique et la vraie analyse d’un pays à un instant presque hors du temps. Les années hippies, le souffle de liberté qui passait sur la jeunesse, la libération à tous les niveaux. L’essoufflement et la mort annoncée du mouvement parcourent Taking Off du début à la fin. La jeunesse qui y est décrite s’ennuie profondément, rêve de gloire en lieu et place des véritables idéaux du mouvements. Taking Off est construit en montage parallèle avec d’un côté un focus sur les parents de Jeannie qui quitte le domicile familial à plusieurs reprises tel un électron libre et de l’autre des morceaux d’auditions de chanteuses où se succèdent des jeunes filles qui veulent devenir la nouvelle Joan Baez. Forman ne s’est jamais caché d’avoir rapidement perdu son intérêt pour les hippies qu’il considère comme cinématographiquement peu intéressants (il y reviendra pourtant un peu avec Hair) et c’est donc au conflit générationnel qu’il s’attaque, ainsi qu’au paradis artificiels sur un mode inédit à Hollywood, en particulier à cette époque.

Entre le père qui est en pleine thérapie d’hypnose pour arrêter de fumer, la mère sexuellement frustrée et la fille incapable d’aligner 3 mots avec énergie, c’est le portrait d’une famille en plein dysfonctionnement, dans laquelle la communication s’avère impossible, à l’image de toute la société américaine. L’incompréhension à tous les niveaux s’impose dramatiquement. Ainsi au portrait de ces jeunes en pleine crise, portés par une extrême mélancolie (voir la chanson interprétée par la jeune Kathy Bates) et chez qui la prise de drogues se traduits par vomissements et hystérie publique succède un autre de la génération précédente, largement dépassée par le flower power, engoncée dans ses habits de petite bourgeoisie. Incroyablement leur salut, ou peut-être pas d’ailleurs, viendra par la marijuana et ce double final hallucinant. Pour essayer de comprendre leurs enfants, ces adultes coincés vont fumer de l’herbe en groupe, avant d’enchaîner sur un strip poker surréaliste. Une sorte d’orgie des sens, dans laquelle ce qui n’a pas forcément aidé la jeunesse à s’évader va apporter une réponse et une nouvelle activité aux adultes bobos, tandis que ces jeunes vont mettre à profit leur liberté dans une optique capitaliste. Un passage de témoin en somme, à l’image de tout le film.

Taking Off 2 [Critique Blu ray] Taking Off (1971)

Si Forman n’est pas Antonioni, il n’empêche qu’il soigne excessivement la forme de son film. Bien qu’il s’inscrive dans un mouvement esthétique très 70′s, par sa photo, sa bande son et son rythme général, Taking Off n’a pas vraiment vieilli contrairement à d’autres films de l’époque. L’étude sociologique se pare d’une image soignée, de cadres précis et d’une énergie de chaque instant. Forman sait exactement ce que le terme de découpage signifie et il en fait une démonstration habile. Le plus impressionnant restant les séquences d’audition au montage énervé mais virtuose, tandis que le procédé fait merveille au moment de présenter la famille ou que tout le talent de Forman éclate quand il se laisse à filmer une performance de Tina Turner. Non seulement Taking Off est un témoignage d’une époque, mais techniquement le film est irréprochable.

Témoignage sociologique d’une époque, étude de moeurs approfondie, Taking Off dépasse rapidement le simple portrait de la jeunesse hippie pour se concentrer sur l’avenir et leur rapport à l’âge adulte. Jamais cynique mais bercé par une vraie mélancolie, ce premier film américain de Milos Forman laisse éclater et sa virtuosité formelle et sa passion pour les conflits générationnels qu’il ne cessera de creuser par la suite. Un document brillant et important, reflet d’une époque immédiatement effacée par ses propres convictions.

Taking Off jaquette blu ray [Critique Blu ray] Taking Off (1971)

Test réalisé en partenariat avec Cinetrafic

Date de sortie blu-ray : 23 mars 2011

Editeur : Carlotta

Image : Carlotta soigne sa copie pour cette première mondiale en HD. Alors oui le film accuse le coup de ses 40 ans et les miracles n’existent pas, ce qui se traduit par de légères pertes de définition. Mais l’ensemble est de toute beauté.

Son : Bon choix que de ne pas céder à la tentation du surround pour un film qui n’a pas été pensé ainsi. La restauration effectuée sur la bande son est merveilleuse en VO comme en VF malgré le doublage insupportable. C’est du mono en PCM, mais c’est excellent.

Suppléments : Là encore le travail de l’éditeur est des plus sérieux. Une présentation du film par Luc Lagier et deux documentaires/entretiens avec Milos Forman et Jean-Claude Carrière, scénariste du film. De quoi en apprendre beaucoup plus sur la naissance du projet et le chaos dans lequel il s’est développé. Même si certains propos sont légèrement répétitifs, c’est un plaisir que de profiter de ces anecdotes sur un film si peu cité habituellement.


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