Même si une grande majorité n’arrive pas jusque chez nous, que ce soit au cinéma ou en vidéo, il faut savoir que l’Islande est un petit pays de cinéma qui ne se porte pas trop mal. De plus en plus tourné vers l’export et donc les festivals, on note par exemple qu’une vingtaine de long métrages y ont été produits ou co-produits (avec d’autres pays d’Europe du Nord) en 2010, avec une majorité de documentaires toutefois. Peu lucratif pour le moment, il s’agit d’un cinéma de passionnés et c’est donc avec un véritable intérêt qu’on peut se lancer dans ce “fameux” Reykjavik Whale Watching Massacre dont on avait pu suivre la production pendant un temps sur Myspace. À la simple lecture du titre les plus perspicaces auront déjà fait le rapprochement avec un certain chef d’oeuvre du cinéma de genre glauque, matriciel et inégalable, Massacre à la tronçonneuse (“The Texas Chainsaw Massacre” en VO). Et en effet l’hommage relatif présent dans le titre n’est pas tout à fait fortuit tant Harpoon suit son modèle à la virgule près, transposant le récit hyper terrestre et anxiogène sur les eaux islandaises. Un petit film de genre sympathique à bien des égards mais qui souffre de la comparaison avec son aîné, peu aidé par un scénario indigent.
Outre le fait que l’action principale se situe dans l’environnement plutôt original d’un baleinier aux mains d’une famille d’islandais dégénérés, Harpoon n’apporte rien de neuf au genre qu’il fréquente, le survival. Pire, il le fait clairement régresser en construisant son intrigue bateau (elle est bonne hein?) sur des personnages qui ne dépassent jamais le cadre de l’esquisse ou de la caricature outrancière. Cela faisait quelques temps que l’on n’avait pas eu l’occasion de fréquenter des personnages aussi mal écrits, et on est servis en matière de clichés sur pattes. Entre le couple de japonais (ah ben oui, on parle un peu de chasse à la baleine, il faut des japonais!) avec le mari outrageusement macho, la fille endeuillée mais qui devient la pire connasse à la moindre occasion, le black de service qui ne trouve rien de mieux que de faire son coming out entre deux scènes de carnages et le trio de cougars féministes qui se taperaient bien le jeune homme en question, on touche déjà le fond. Mais arrive le “français”, et ce film par ailleurs sacrément sympathique perd tout son sérieux. Un jeune rebeu vêtu d’un imper sorti tout droit d’un Melville, qui passe son temps à vider sa flasque de whisky et balance tant qu’il peut les fameux “oh la la” que tout bon personnage français se doit de prononcer dans un film étranger. C’est risible.
Ceci dit, bâtir un film sur des clichés peut être amusant, sauf que le but de Harpoon est visiblement plus sérieux. Le soucis c’est qu’avec ces personnages écrits à la truelle, on ne ressent pas la moindre empathie envers eux. Ils peuvent donc tous crever dans les pires souffrances et subir les derniers outrages qu’on n’aurait pas envie de bouger le petit doigt. C’est une grossière erreur car tout bon survival nécessite un personnage au minimum auquel s’attacher afin de ressentir un semblant de tension et de danger, ce qui n’est jamais le cas ici. Et si l’intrigue générale ne recèle aucune véritable surprise (à moins de n’avoir jamais posé un oeil sur un survival), on n’en finit pas d’être étonné des réactions des personnages suivant une logique complètement déroutante. N’y allons pas par quatre chemins, Harpoon avait toutes les cartes en main pour devenir une belle série B poisseuse sans grande ambition mais efficace. Sauf que le film est littéralement plombé par l’écriture plus qu’hasardeuse de tous ces personnages détraqués.
Car tout n’est pas nul, loin de là. Ainsi outre le plaisir nostalgique de retrouver à l’écran le mythique Gunnar Hansen, même pour quelques scènes, Harpoon envoie son lot de scènes sanglantes et parfois brutales avec une vraie générosité. L’exemple le plus frappant restant la séquence de la mise à mort au harpon, superbement construite et follement originale. Pour le reste c’est assez convenu avec le lot habituel de tortures, de litres de sang déversés, de nichons à l’air, de sales gueules et de poursuites qui tournent mal. Les mini retournements de situation du dernier acte ne surprendront personne mais on appréciera l’absence de morale assez jouissive et salutaire. Au rayon des réussites, il faut avouer que Harpoon est un film qui a de la gueule. Une majorité d’effets à l’ancienne qui font dans le craspec appréciable, une jolie lumière bien glauque, une bonne gestion des espaces pour créer un semblant de claustrophobie. S’il n’y a pas forcément de morceau de bravoure, c’est un boulot sérieux qui a été effectué, à tel point que cela tranche beaucoup trop avec l’humour parfois très bas du front qui est déployé. Sur l’humour noir ça passe plutôt bien, mais parfois c’est assez ridicule. Quant aux acteurs, on dira simplement qu’ils sont au niveau de leurs personnages…
Image : À priori fidèle aux intentions du réalisateur, le blu-ray de Harpoon bénéficie d’une copie au grain prononcé et aux couleurs hyper désaturées. Difficile de qualifier l’image de belle, mais elle est pourtant de qualité, dans l’optique des choix visuels du film.
Son : Excellentes pistes son en DTS HD Master Audio 5.1. S’il n’y a pas profusion d’effets chocs, la spatialisation s’exprime par la mise en place d’une ambiance immersive très efficace avec l’environnement du bateau au rendu très efficace.
Suppléments : Rien. Le mini making-of présent sur le DVD s’est fait la malle sans qu’on sache pourquoi.